dimanche 2 octobre 2011

Horseshoe Hell - Part II - La compétition



Il fait un temps splendide et nous y voilà : Horseshoe Hell la compétition ! Nous sommes debout à 8 heures en ce vendredi matin pour nous préparer avant le rendez-vous de 9h durant lequel toutes les équipes se rassemblent autour de l'organisateur de l'évènement pour un rappel des règles et des informations de dernière minute. Il règne une grande agitation : tout le monde est très excité. Dans la bonne humeur, on remplit des tonnes de bouteilles d'eau. On fait la queue aux toilettes. Certaines équipes sont déguisées : tout le monde a hâte de commencer. Mais, puisque je devine que Horseshoe Hell ne vous parle pas beaucoup, je vais essayer de vous expliquer rapidement en quoi ça consiste.




La compétition dure donc 24h : du vendredi à 10h du matin au samedi 10h. Durant les 24h, une centaine d'équipes de deux grimpeurs vont donc s'affronter pour engranger le plus de points possibles. Il y a plusieurs catégories en fonction du niveau des compétiteurs (tout le monde n'est pas Chris Sharma) : "loisir", "intermédiaire", "supérieur" et "élite". La catégorie "élite" est en général composée de grimpeurs professionnels (cette année un équipe Peztl pour les hommes et deux filles de chez Patagonia pour les femmes). Chaque catégorie est autorisée à grimper une certaine fourchette de voies, en accord avec le niveau du grimpeur, sachant que chaque catégorie est autorisé à grimper les voies de la (ou des) catégorie(s) inférieure(s) mais pas l'inverse. Ainsi, tout le monde peut grimper une 5.5 mais seuls les grimpeurs "supérieurs" peuvent tenter les 5.11. Évidemment, plus une voie est difficile plus elle rapporte de points. Par exemple une voie 5.6 rapporte 60 points par ascension alors qu'une voie notée 5.10 b en rapporte 160. Et ainsi de suite. Tous les points sont ajoutés à la fin de la journée et on détermine une équipe et un grimpeur individuel vainqueurs pour chaque catégorie.

De plus, chaque grimpeur ne peut escalader une même voie que deux fois. Pour éviter les équipes qui squattent des heures sur des voies faciles à deux heures du mat. Chaque ascension doit se faire en tête (les grimpeurs placent les dégaines) et sans chute. Si chute il y a, le grimpeur doit repartir du début (mais il n'a pas besoin de placer à nouveau les dégaines en dessous de son point de chute) pour que la personne réussisse une ascension "clean". Typiquement (traduire la tactique de John et Chase), un des deux membres de l'équipe commence, une fois l'ascension terminée il tire la corde et l'autre membre commence l'escalade de la voie puis l'équipe enchaîne une seconde série avant de changer de voie. Le système marche plutôt bien. Enfin, l'organisation a placé au pied de chaque voie des mousquetons que la première équipe met en place et qui seront laissés sur place pour toute la durée de la compétition. Cela évite à chaque équipe de perdre du temps et de l'énergie à "nettoyer" la voie après son passage. 

Voilà, je crois que j'ai tout résumé. Je compléterai par la suite si j'ai oublié des détails mais le plus important est là. A 9h, donc, l'organisateur du Horseshoe Hell répète une dernière fois les règles, appelle une à une toutes les équipes pour leur donner leurs feuilles de score et fait prêter serment à tous les compétiteurs. Chaque grimpeur fait face à son partenaire, main droite levée, et répète un serment un peu absurde avant de se lancer dans l'aventure.

Extraits du serment de cette année

"Partner
Look deep into my eyes, 
Past the enigma that is me, 
And what do you see?
It's a honey badger
Honey badger don't care
Honey badger wants to win"

"Partner
I'm going to beat your individual score
Get over it, and belay me."

"Partner
We are a family
You're my brother
You're my sister
You're my uncle
And because we're in Arkansas, you're all those things
And still my lover"

Bref, tout cela est très bon enfant ! A la fin du serment, toutes les équipes lancent un grand cri et six coups tirés au fusil annoncent le début de la compétition. Alors, toutes les équipes prennent le large et se dirigent en vitesse vers les premières voies. C'est parti pour 24h d'escalade !






Certains ont des stratégies finement mises au point, d'autres y vont à l'arrache : chacun sa technique. John et Chase ont quelques idées en tête mais sachant qu'ils ne vont pas gagner, ils ne se prennent pas le chou et avancent à leur rythme. De mon côté, je les suis portant le guide et les feuilles de score que je vais devoir remplir tout au long de la journée : il faut noter le nom de la voie, son numéro, sa difficulté et le nombre d'ascension (1 ou 2 donc) et ce pour chaque membre de l'équipe. Ma seule tâche des 24h (mais grâce à laquelle je me sens utile).


Le guide avec toutes les voies à reporter

La feuille de score

Deux heures dans la compétition !




Toutes les heures, à l'heure pile, un grand cri résonne dans tout le ranch : toutes les équipes sonnent l'heure qui vient de s'écouler et signalent qu'elles sont toujours en vie. Le début de la journée passe assez vite. Il fait un temps radieux. Le coin où Chase et John passent les huit premières heures n'est pas trop fréquenté. Tous les deux sont en forme et énergétiques. Le rythme est soutenu (près de trois voies différentes par heure soit 6 ascensions par personne). On commente les autres équipes, on compare ses performances avec les années précédentes (c'est la 6ème édition de la compétition et la 4ème pour Chase et John) et on avale des tonnes de barres énergétiques. 







Six heures de compétition !







La voie la plus dure du ranch 1/2

La voie la plus dure du ranch 2/2 : Le Prophète

Le temps passe. Vers 18h30 alors que nous nous trouvons au Prophecy Wall (là où se trouvent la voie la plus difficile du ranch - voire même d'Arkansas - 5.14 !) pour une petite voie facile, Katy la fiancée de John (qui travaillait la nuit précédente) nous rejoint avec des pizzas achetées en passant à Jasper. Pause "déjeuner" pour tout le monde. John et Chase ont (et vont) passé leur journée à manger des gels énergisants aromatisés à la fraise ou au chocolat/cerise (aussi bizarre que ça puisse paraître ce n'est pas si dégueu que ça, c'est même plutôt bon). Ils sont donc bien contents d'avoir quelque chose de consistant à se mettre sous la dent. De mon côté, j'avais grignoté deux barres chocolatées, je n'étais pas mécontente non plus. Attiré par les odeurs de pizza, un des énormes chiens qui gardent les chèvres du ranch nous rejoint.















Et la nuit commence à tomber. Commence alors la partie la plus intéressante et la plus bizarre de la compétition. Les lampes frontales fleurissent soudain comme des pâquerettes. Et c'est à leur seule lumière que les participants vont grimper (ou s'éblouir les uns les autres parce que c'est puissant ces saloperies) durant toute la nuit. 

A part ça, l'arrivée de l'obscurité ne change rien au rythme d'escalade. Il est encore tôt et tout le monde ou presque est encore remonté comme une pendule. Vers 22h, nous quittons le Titanic Boulder pour North Forty. Si jusqu'à présent nous avions été plutôt seuls et n'avions presque croisé personne durant toute la journée, North Forty nous ramène bien vite à la réalité. En effet, cette partie du ranch concentrant une grande quantité de voies, les quasi-totalité des équipes se retrouve à cet endroit au même moment (c'est là où quelques semaines plus tôt je m'étais retrouvée à faire de l'escalade). On découvre soudainement le monde merveilleux des queues avant de pouvoir grimper une voie. Système qui se gère super bien et qui sera même salutaire (mais j'y reviendrai). 

Ceci est une vraie photo !


C'est presque surréaliste de se balader au milieu de tous ces gens en pleine forme qui se trimballent des kilomètres de cordage. A 22h (douze heures après le début de la compétition), c'est check-in obligatoire pour toutes les équipes, histoire pour les organisateurs de vérifier que tout le monde va bien et de commencer à comptabiliser les points. Les feuilles de score sont récupérées et de nouvelles sont fournies. Les équipes de volontaires arpentent les sentiers proposant du café et des snacks aux participants. John et Chase retrouvent des amis de Stillwater et nous faisons route commune pendant quelques heures. John est toujours plein d'entrain et va même escalader une 5.11 à 1h30 du mat ! Le temps passe plus lentement mais finalement, sans trop de mal, deux heures du mat sonnent.

C'est véritablement à ce moment-là de la compétition que ça devient le plus difficile. Pour tout le monde : pour les grimpeurs parce que ça fait 14 heures qu'ils enchaînent des voies sans arrêt et pour les spectateurs parce que rester assis sans rien faire ça n'aide pas le temps à passer plus vite. Mais surtout pour tout le monde il reste encore 10 heures à tenir : la journée est loin d'être finie. D'ailleurs beaucoup abandonnent. Vers deux heures, les spectateurs ne sont plus très nombreux. A trois heures, Chase a un coup de barre tandis que Nick et Kevin arrêtent la compétition et partent se coucher. Mais, tous les quatre nous tenons le coup. 





Chase fait une micro sieste pendant que John va chercher un coca dans sa voiture. Katy et moi empilons des pulls pour rester au chaud. Finalement, John revient de sa voiture avec une couverture ! L'aventure continue. Le rythme se ralentit nettement : John et Chase ne font plus que deux ascensions (soit une voie) chacun par heure et les voies escaladées sont de plus en plus faciles mais pas question de s'arrêter le but est de tenir jusqu'au bout ! Une chance que nous soyons à l'endroit où il y a le plus de monde : Chase et John peuvent profiter des files d'attente (vu que tout le monde veut faire des trucs faciles à cette heure de la nuit) pour se reposer sans culpabiliser et moi toute cette agitation ça me tient éveillée. Comme je l'ai dit plus haut : on se croirait presque dans un autre monde, on plaisante, on croise des gens encore réveillés, d'autres qui le sont beaucoup moins, des bénévoles motivés, des qui roupillent, des gens qui sont toujours costumés et des fous qui poursuivent leur plan même s'ils sont crevés.




Arrive ensuite le check-in de 4h du mat. Autre vérification de la part de l'orga pour s'assurer que tout le monde est vivant. Encore 6 heures à tenir. C'est un calvaire. On n'a plus tout à fait les idées très claires, alors on fait des photos et des vidéos pour passer le temps. Parce que le temps passe quand même finalement, même on regarde sa montre de plus en plus souvent (Chase et John ont du me demander 200 fois l'heure entre 4 et 9). De plus on sait que le soleil va, à un moment ou à un autre, se lever et que cela va faire du bien. A 6h du mat, on bouge pour la dernière fois. Mine de rien, ça sent la fin !

Le jour se lève !



Katy roupille.



Direction le Kindergarten Wall pour les voies faciles de fin de journée. C'est là que tous les quatre, assis en ligne, les jambes sous la couverture, nous allons passer nos dernières heures en révassant aux lits qui nous attendent dans les voitures. A un moment donné, pendant 5 minutes (les seules 5 minutes durant lesquelles j'ai fermé les yeux), nous étions tous les quatre endormis en ligne. Il était 7h30 et le temps semblait tourner au ralentit. John et Chase décident de terminer par des voies "trad" comprendre des voies où les points d'ancrage ne sont pas fixés. C'est au grimpeur de placer lui-même ses dégaines dans la roche. Alors, en l'occurrence, il s'agissait de voies ridiculement faciles (tout le monde les grimpait sans prendre le temps de changer ses chaussures et faisait des blagues sur la "difficulté" des voies) mais ça peut être très dangereux surtout si les coinceurs sont mal placés (une chute peuvent les faire céder) ! Apparemment là il n'y avait même pas besoin de placer des coinceurs mais cela faisait partie des règles de la compétition. Chase et John se sont donc beaucoup amusés pour ses dernières ascensions (et moi aussi d'ailleurs).



Peu avant la toute dernière ascension de la journée alors que 9h résonne dans le ranch : nous croisons un couple de grimpeurs. Il a 64 ans, elle en a 57 et c'est leur 100ème voie de la compétition (et que des 5.9 et 5.10) s'il vous plaît ! Impressionnant ! 






La journée est presque finie ! 


Nous, nous sommes tous épuisés et nous attendons 9h avec impatience. Parce que 9h, ça veut dire la dernière ascension des garçons, ça veut dire que nous allons rendre les feuilles de score et que nous allons pouvoir nous coucher. L'heure entre 8 et 9 est la plus longue de ma vie (enfin peut-être les heures de physique avec La Fouine étaient pas mal aussi dans le genre)... Mais finalement la délivrance arrive. 

John et Chase finissent leur voie, retournent à l'accueil du ranch et vont rendre leur feuille. On trinque tous avec une bière presque fraîche (ben quoi?) en attendant le coup de feu de 9h45. Nick et Kevin (qui viennent de se lever) viennent nous faire coucou. Toutes les équipes reviennent en courant au stand de l'orga. Ça y est : nous sommes samedi 24 septembre, il est 10h du mat et la compétition est terminée.






J'ai la tête dans la pâté mais grâce aux 10 couches de vêtements, je suis restée au chaud toute la nuit. Je ne me suis pas ennuyée non plus (ayant toujours un truc à regarder) bref je me suis bien amusée. John, Katy et Chase sont aussi épuisés mais tout le monde est content (surtout les garçons) : nous avons réussi ! Nous avons tenu toute la journée ! Maintenant au lit et vite !

A très vite ! 

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